2/22/2009

La Suisse peine à instaurer un projet énergétique global


Le Temps Par Philippe Miauton, Berne

Le PS revendique un plan conjoncturel de 6 milliards
Moritz Leuenberger au Sommet du développement durable à Delhi, Moritz Leuenberger au Forum ministériel mondial sur l’environnement à Nairobi; le conseiller fédéral chargé de l’énergie multiplie les voyages. Lors de la présentation du deuxième programme conjoncturel du Conseil fédéral, le Zurichois a en revanche brillé par son absence, alors qu’avec 421 millions, son département s’est taillé la part du lion de l’enveloppe totale. Dans les milieux politiques et scientifiques, la déception était palpable, notamment parce que la valorisation de l’énergie ne représentait, au final, qu’une part congrue (lire ci-dessous).

A l’aune de ce qui se passe dans le domaine des transports – AlpTransit, fonds pour le trafic d’agglomération et futur développement de l’infrastructure (ZEB) –, on peut mesurer le retard qui existe dans l’approche des projets énergétiques.

Mesures au compte-gouttes

«Une foule de dossiers dans les transports et les infrastructures étaient prêts, confie un proche du dossier; ils ont été introduits dans le deuxième programme de relance. Dans le domaine de l’énergie, ce n’était malheureusement pas le cas.»

Pourtant, selon Michael Kaufmann, vice-directeur de l’Office ­fédéral de l’énergie (OFEN), «il ressort des programmes d’encouragement précédents ainsi que des programmes cantonaux actuels, sans oublier le programme bâtiments de la Fondation centime climatique, que des aides fédérales de 100 millions de francs par an dans ce secteur, sur une période de 10 ans, s’accompagneraient d’au moins 3 milliards de francs d’investissements privés.» Sans compter les nombreux emplois que ces investissements généreraient.

Dernièrement, et plus encore depuis la semaine passée, des voix s’élèvent pour demander que la Suisse lance, elle aussi, son propre «green deal», un plan de relance qui stimulerait à la fois l’économie et l’écologie, voire la première via la seconde.

Mais c’est surtout le plan de Barack Obama qui a suscité beaucoup d’espoir. En décembre, les Verts appelaient de leurs vœux un vaste changement de paradigme énergétique. Suivis le week-end dernier par le président du PDC, Christophe Darbellay. Vendredi, c’était au tour des socialistes de critiquer le Conseil fédéral, qui, contrairement à l’Allemagne ou aux Etats-Unis, n’a pas réalisé qu’il devait mettre à profit la crise économique et les plans de relance pour accélérer les réformes structurelles de son économie. Ils revendiquent un programme conjoncturel d’environ 6 milliards de francs pour doper le domaine de l’énergie. Mais existe-t-il seulement en Suisse un projet chapeautant un grand nombre de domaines, auquel on pourrait coller l’étiquette de «green deal»?

Au sein de l’OFEN, on reconnaît qu’il manque encore une certaine cohésion entre les différents dossiers énergétiques. «Beaucoup de filières ont été ouvertes séparément, après avoir livré de nombreuses batailles au parlement», observe Michael Kaufmann. Et d’ajouter: «En l’espace de quatre ans, nous avons défini une nouvelle loi sur le marché électrique, une autre sur l’approvisionnement énergétique et nous avons mis sur pied la rétribution à prix coûtant pour encourager le courant renouvelable.»

Pour beaucoup, la faute est à imputer au système politique suisse qui saucissonne les multiples domaines énergétiques au lieu de les considérer comme une seule et même problématique, pour laquelle il faudrait fixer des objectifs ambitieux. Pour le socialiste Roger Nordmann, membre de la Commission de l’énergie, des transports et de l’environnement, «la Suisse est dans l’incapacité de se projeter dans l’avenir, d’où ces lenteurs de procédures».

Retenue de l’Etat

La mise sur pied de fonds dévolus à l’assainissement des bâtiments, qui absorbent à eux seuls près de la moitié de l’énergie consommée en Suisse et qui génèrent la moitié des rejets de CO2, est exemplaire. Quelques parlementaires se battent depuis près d’une année pour obtenir quelques centaines de millions supplémentaires pour accélérer le mouvement.

Un grand nombre d’observateurs constate que la Confédération s’interdit d’investir directement dans les entreprises, de peur de devenir un pourvoyeur de crédits. Il privilégie au contraire des systèmes d’incitations compliqués. «L’Etat ne joue pas assez son rôle de moteur», observe un membre de l’OFEN.

«Pour échafauder un véritable plan vert qui ait un effet psychologique sur les sphères politique, économique et sur la population, il faudrait que Moritz Leuenberger en soit le promoteur», fait remarquer un parlementaire socialiste. Un responsable du DETEC observe quant à lui que «le ministre craint beaucoup trop de perdre au Conseil fédéral en présentant des projets visionnaires. Il fixe de nombreux objectifs ambitieux comme la réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020, mais il ne parvient pas à mettre sur pied un programme complet pour y tendre».

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