4/17/2009

Razzia sur les terres agricoles

Par Angélique Mounier-Kuhn - Le Temps

Une passionnante série d’articles du «Monde» est consacrée au thème de la sécurité alimentaire
A l’occasion du Forum international sur l’accès à la terre qui se tiendra ce week-end à Montreuil, en banlieue parisienne, Le Monde consacre une enquête en cinq volets à un phénomène en pleine accélération à défaut d’être neuf: l’acquisition de terres arables à l’étranger par des pays soucieux de sécuriser leur approvisionnement alimentaire.

Pour empoigner le phénomène, il convient d’abord de balayer une idée reçue. L’avidité pour les hectares cultivables des contrées vastes, fertiles et pauvres du Sud, n’est pas l’affaire des seuls pays occidentaux ou du Nord. «La Chine, la Corée du Sud, les Emirats arabes unis, le Japon et l’Arabie saoudite: à eux cinq, ces pays disposent de 7,6 millions d’hectares de terres agricoles hors de leur territoire», assène ainsi en préambule le quotidien parisien.

Deux raisons encouragent les acteurs pourvus en liquidité, pays ou investisseurs privés, à de telles emplettes: «La crise alimentaire a alerté les gouvernements sur les risques d’approvisionnement futur, et la crise financière a fait de l’agriculture un nouvel actif stratégique pour les fonds d’investissement.»

La Chine a fait de l’achat de terres arables une priorité politique: «Le pays représente 40% de la population active agricole mondiale mais ne possède que 9% des terres arables du globe», rappelle Le Monde. Idem pour le Japon ou la Corée du Sud, dont l’alimentation provient déjà aux deux tiers de l’étranger. Pour d’autres, cette «délocalisation agricole» passe par le troc. Le Libyen Mouammar Kadhafi aimerait ainsi échanger son gaz et son pétrole contre un morceau des vastes plaines d’Ukraine.

Cette convoitise foncière est lourde d’enjeu pour les petits cultivateurs des pays mis en location par leurs dirigeants. «Quid des populations locales directement menacées par cette marchandisation de la terre dont elles vivent?», d’autant que, souvent, les cadastres n’existent pas, interroge Le Monde. Comment faire cohabiter agriculteurs indigènes et investisseurs étrangers? A Madagascar, la concession dans des circonstances opaques de 1,3 million d’hectares au conglomérat sud-coréen Daewoo, a nourri la grogne qui a abouti au renversement, le mois passé, du président Marc Ravalomanana.

Dans le deuxième volet de son enquête, Le Monde s’est rendu en Afrique de l’Ouest, au Mali. Sur le papier, ce pays est si bien loti en terres fertiles qu’il pourrait devenir exportateur de riz. «Mais faute de moyens, l’Etat compte sur les capitaux étrangers pour mettre des terres en culture, et construire des routes et des canaux d’irrigation.» Le plus gros locataire, une société liée à l’entourage de Kadhafi – encore lui – a contracté des baux trentenaires qui préoccupent les paysans maliens: «Les hectares des Libyens sont au début des canaux d’irrigation, ils seront servis avant nous.»

Dans le cas des Maldives, l’acquisition de terres étrangères est bien plus qu’une affaire de sécurité alimentaire. Elle est une question de survie. L’Archipel aux 26 atolls et aux 1200 îles se prépare au pire: son «engloutissement à venir sous l’effet de la montée des eaux provoquée par le réchauffement climatique». L’an passé, le gouvernement a créé un fonds souverain dont l’ambition est d’acheter des surfaces chez ses voisins afin d’accueillir un jour les réfugiés climatiques en puissance que sont devenus les Maldiviens. «L’idée a soulevé un certain scepticisme au regard de l’imbroglio juridique que constitueraient de telles acquisitions foncières sur un sol étranger», relève Le Monde .

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