3/04/2009

Le remboursement énergétique du photovoltaïque

Par Jean-Pierre Bommer*

Combien d’années faut-il à des panneaux photovoltaïques pour restituer l’électricité préalablement investie dans leur fabrication?
Combien d’années faut-il à des panneaux photovoltaïques pour restituer l’électricité préalablement investie dans leur fabrication? Cette question suscite une certaine confusion entre les notions de «remboursement» et de «coefficient de retour» énergétiques. Explications.

Tout dispositif de production d’électricité par transformation d’énergie primaire réalisée à partir d’une source re­nouvelable «gratuite» (soleil, vent, hydraulique, biomasse) est composé d’éléments plus ou moins élaborés à partir de matières pre­mières, non gratuites quant à elles. Pour une éolienne, cela englobe notamment les fondations, le mât, la nacelle, l’alternateur, la boîte d’en­gre­nage, les pales ou l’élec­tro­ni­que de réglage.

Pour une installation photovoltaïque, il s’agit des cellules solaires, du verre, d’un film de scel­le­ment, du cadre, du câ­blage, des sup­ports, de l’onduleur pour transformer le courant continu issu des modules photovoltaïques en un cou­rant alternatif con­for­me au ré­seau électrique, ou encore d’un dispositif de régulation électronique.

Ces composants ont été préalablement fabriqués à partir de produits intermédiaires, eux-mêmes formés de matières premières plus sim­ples ayant subi des transformations multiples, de l’extraction des matériaux bruts dans des mines jusqu’à la mise en forme, en pas­sant par le raffinage. Ces procédés chimiques, physiques et mécaniques représentent un coût énergétique sous forme de chaleur ou d’électricité. C’est l’énergie cachée, dite «grise», investie en amont, dans la fabrication de tout objet.

La plupart des modules photovoltaïques actuels sont basés sur des assemblages de cellules solaires de 0,1 à 0,8 millimètre d’épaisseur, constitués de plaques de silicium de grande pureté chimique, dite de qualité élec­tro­nique. La préparation de ce matériau à partir de la silice (oxyde de silicium SiO2) naturelle, aussi présente dans les nombreux silicates de la croûte terrestre, représente un ensemble de procédés particulièrement gourmands en énergie.

C’est pour­quoi la recherche travaille désormais à la mise au point de cellules à couches minces de l’ordre du micromètre d’épais­seur (1 à 3 μm), voire moins, qui réduisent très fortement les quantités de silicium nécessaires. Ces couches sont en général déposées à l’aide d’un gaz, le silane (SiH4), également issu de la silice, via le silicium très pur. Le cas échéant, les besoins en énergie sont bien moindres que dans le cas des cellules cristallines. D’autres substances semi-conductrices (tellure, cadmium, sélénium, in­dium, cuivre) peuvent être utilisées, mais leurs coûts sont d’autant plus élevés que ces matières premières sont beaucoup moins abondantes que la silice dans la croûte terrestre.

Une fois en activité, une installation photovoltaïque produira un certain nombre de kilowattheures d’élec­tricité pendant une durée de vie que l’on peut estimer, pour notre calcul, à vingt-cinq ou trente ans. La quantité d’électricité produite varie fortement en fonction des lieux d’exposition et taux d’ensoleillement. On peut compter, en Europe, sur une fourchette comprise entre 800 et 1200 kilowattheures par an­née pour une installation de 1 kWc (1 kilowatt-crête).

Il s’agit d’un ouvrage d’une puissance installée de 1 kilowatt qui produit «à plein» sous un ensoleillement de 1000 watts par mètre carré. Ainsi, une installation de 8 mètres carrés avec un rendement de con­version de 12,5% fournira en vingt-cinq années de fonctionnement entre 20 000 et 30 000 kWh d’énergie électrique selon l’endroit où elle se trouve.

On devra convertir ensuite cette électricité en énergie primaire nécessaire à une production équivalente par une voie clas­sique non renouvelable, utilisée lors de la fabrication des composants de l’installation photovoltaïque. Ce calcul destiné à évaluer la quantité d’énergie grise investie dans la fabrication d’une telle installation est sujet à des hypothèses extrêmes. Il est assez com­plexe car les matériaux proviennent de diverses sources et de pays caractérisés par différents types de production d’électricité.

Selon les filières (silicium monocristallin, polycristallin ou amorphe, couches minces simples, doubles ou triples, autres semi-conducteurs), le temps de remboursement énergétique, durant lequel l’installation doit produire en électricité l’équivalent de son énergie grise, est de l’ordre de 3 à 5 ans. Mais le potentiel d’amélioration est considérable. Les nouvelles filières à couches minces permettront de des­cen­dre à 1 à 2 ans, voire moins si l’on ne considère que les modules eux-mêmes.

Quant au coefficient de retour énergétique, appelé «Erntefaktor» en allemand, il représente le quotient de la durée de vie pro­duc­ti­ve de l’installation par son temps de remboursement énergétique, Si la durée de vie retenue est de 25 ans, ce coefficient est actuellement de l’ordre de 4 à 8. Il pourra s’éle­ver à 10, 12, voire à 15 avec l’avènement des futures cou­ches minces. Autrement dit, l’installation photovoltaïque «rendra» 10 à 15 fois son énergie grise. Ce progrès améliorera la compétitivité de cette source d’énergie dans des proportions considérables.

C’est dire tout l’intérêt de poursuivre les travaux de recherche et développement dans ce domaine. On pourrait dans tous les cas rapidement mettre à contribution le photovoltaïque dans les pays peu développés mais riches en surfaces et en ensoleillement. Des organisations internationales et non gouvernementales conduisent des campagnes prometteuses dans ce sens.

Et la Suisse? Elle n’a pas à rougir de ce qui a été fait jusqu’ici. Au cours des vingt dernières années, elle a installé une puissance de l’ordre de 35 mégawatts-crête en modules, qui produisent un peu moins de 28 millions de kilowattheures par année (2007). Or il faut rappeler que cette contribution ne représente qu’un demi pour mille de la consommation du pays. Même si l’on multipliait cette capacité par 100, on porterait la part photovoltaïque à 5% de la consommation actuelle. Or il faudra plusieurs dizaines d’années pour y parvenir et, entre-temps, les besoins auront augmenté d’un multiple de cette contribution.

Le prix d’un tel effort? 25 milliards de francs au coût actuel de 7,50 francs le wattheure-crête installé. Avec cette somme, on pourrait construire trois réacteurs modernes EPR, qui couvriraient à eux seuls 58% de la consommation actuelle et mettraient la Suisse à l’abri de tout risque de pénurie d’électricité jusqu’à la fin de ce siècle, tout en produisant les milliards de kilowattheures qui seront nécessaires pour assurer le développement progressif des sources renouvelables.

No comments: